✗ Texte


À l’eau de rose    
    - « Accusée, levez-vous ! Jurez-vous de dire toute la vérité, rien que la vérité ?… »
       Les yeux se posèrent sur elle … Sa peau frémit…
     - « oui, je le jure. »
Eux :  les yeux l’accusaient d’une faute qu’elle n’avait pas commise.
Elle : la peau, elle, devait se justifier : fille elle était, femme elle serait.
Eux :  les yeux disaient d’elle qu’elle avait vu le jour nue comme un ver. Tel était leur grief.
Elle : la peau avait choisi de s’habiller d’un parfum de rose pour masquer la putréfaction  des eaux troubles de leurs regards.
Eux :  les yeux aveuglés par leur désir préféraient accuser pour sauver leur peau.
Elle : la peau voyait en ce face-à-face leurs visages dénudés…
       mais eux, les yeux, le savaient-ils ?
       Elle avait si soif…
Eux :  les yeux lui donnèrent pour unique boisson du vin mêlé de fiel.
Elle : la peau décida de se désaltérer à la source même de ses méandres. Elle avait choisi la chaleur des entrailles de sa baignoire comme fontaine de jouvence.
Eux :  les yeux se rinçaient l’œil au travers le miroitement de ses mouvements.
Elle la peau préférait s’immerger dans les eaux  pour ne plus s’arrêter à l’image du narcisse. Chaque mouvement de leurs paupières déformait son reflet :
       mais eux, les yeux, le savaient-il ?
Elle : la peau se baignait paisiblement dans les eaux du Jourdain. Elle savait qu’elle n’avait rien à se reprocher.        
Eux :  les yeux ; se lavaient les mains du déroulement de son destin.
Elle : la peau, elle s’en moquait. D’une vie rampante, elle savait qu’elle s’envolerait… En attendant dans la  chambre des mystères, elle se laissait  bercer par le remous des eaux à chacune de ses métamorphoses.
       Mais eux, les yeux, savaient-ils ce qui adviendrait ?

                 Carole AUBERT – janvier 2010

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire